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cette vision lui déplût, qu’elle la chassât, elle y revenait sans cesse.

Elle se prit d’une pitié attendrie pour Nelly Darche. Deux ou trois fois par semaine, elle allait avenue Kléber. La pauvre artiste ne se consolait pas de son abandon et pleurait toujours Fabien avec les mêmes larmes passionnées. La visite de Marcelle était sa seule joie. Elle s’épanchait près de la jeune fille, racontait ses souvenirs d’amour, et cela se terminait toujours par la même phrase :

— Méfie-toi des hommes, ma pauvre chérie !

— Oh ! moi, disait Marcelle, je me contenterai de mon art.

Un soir du mois de juin, comme elle était sortie après le dîner pour acheter un tube de couleur rue Bonaparte, et qu’elle s’éternisait à la devanture des magasins, elle sentit quelqu’un près d’elle. Durant une minute, sa fierté et sa pureté prenant toujours au tragique ces grotesques aventures de la rue, elle s’abstint de regarder qui était là. Puis, quand elle leva machinalement la tête, son regard croisa celui de Nicolas Houchemagne qui, souriant, l’observait depuis un moment.

C’était l’heure où les auvents glissaient, d’un bout à l’autre de la rue, le long des glaces, aux devantures. La chaussée déserte n’était plus troublée que par le fracas périodique des autobus. Il faisait tiède, un peu orageux, la nuit ne semblait