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qui y régnait ; âme de savante et âme de jeune fille en même temps, dont personne n’avait jamais mesuré l’étrange profondeur. À vingt-six ans la maîtresse d’histoire du lycée Sévigné demeurait seule, servie par une jeune domestique ; elle remplissait la maison de sa dominante personnalité. On voit parfois des créatures effacées vivre chétivement dans des chambres où elles n’occupent qu’une place restreinte, sans que rien d’elles ne soit imprimé dans les choses ; éternelles étrangères qui n’ont pas de chez elles vrais ; avec leur faux air d’être en garni en des logis transitoires, jusque parmi des meubles familiaux. Marceline Rhonans, qui avait meublé pièce par pièce cette maison, selon son goût volontaire et original, était ici chez elle comme jamais femme ne le fut. Cette petite personne, qui n’aurait pas déplacé sur sa table une statuette sans discuter avec elle-même son acte, avait mis dans l’arrangement de sa maison la poésie même de son être. D’abord, un alliage très fort de masculin : cette cheminée en était un exemple, avec la grâce rigide de sa pendule posant à même le marbre nu de l’entablement, deux chandeliers blanc et or achevant seuls de la parer. L’appartement contigu était le cabinet de travail, où tout était sacrifié à la commodité du labeur cérébral. Des étagères de sapin, courant à portée de sa petite taille autour des murs ; à la fenêtre, de simples rideaux de mousseline pour accroître encore en blancheur la lumière entrant librement ; sur la cheminée, un buste de Michelet et des photographies éparses ; dans le fond, un mannequin articulé qui lui servait pour draper ses voiles dans