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plus abandonnée de tout, semblait-il. Elle avait bien eu l’intuition de cet effort pénible qu’il avait accompli pour lui faire du bien, de cet effort stérile que n’embrasait nulle pitié, nulle charité. Elle avait découvert là un doux et bénin égoïsme d’être heureux, habile à se garder de ce que la compassion a de trop cruel, ignorant de l’avidité qu’ont les mourants des larmes, des cris de pitié, du désespoir de ceux qu’ils quittent.

Absorbée dans un marasme où elle revoyait ses amies saines e heureuses, Cécile se mariant peut-être un jour, sa maison d’ici quand elle n’y serait plus, Paul qui l’y pleurerait, — car sa grande amertume, c’était toujours le chagrin de son frère, — elle réfléchit longtemps. Elle ne pouvait prier. Cette phrase banale des desseins impénétrables n’avait jeté aucune lumière en elle sur le Dieu qu’elle cherchait.

À la fin, elle appela la religieuse qui la gardait.

— Ma sœur, je vous en prie, dit-elle, allez me chercher le gros curé du faubourg.

La sœur s’étonna ; c’était un prêtre d’aspect vulgaire dont on ne parlait jamais. Henriette l’avait entendu quelquefois au sermon où il était moins que brillant, et par hasard avait suivi ses offices ; mais la religieuse eut beau lui citer les noms des ecclésiastiques de talent qui jouissaient à Briois d’une certaine renommée, elle voulut s’en tenir à ce prêtre populaire.

Il arriva le soir assez tardivement, pressé, essoufflé d’embonpoint, ses cheveux d’un gris sale collés à ses tempes rouges. Il portait une soutane écourtée, et ses grasses mains nues se fourraient