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Soudain, une vision lui sourit. Il pensa au sommeil de Jeanne Bœrk, si paisible dans son lit d’étudiante, et que l’orage n’avait sans doute pas troublée, car elle lui avait raconté comment elle dormait, paresseusement, lourdement, sans que rien la réveillât. Ce sommeil naïf lui semblait plus touchant que rien autre en cette créature d’intelligence et de raison. Elle y devenait l’enfant très chère que les hommes aiment à voir dans leur fiancée. Et il se dit qu’il irait la trouver dans quelques heures pour lui confier son angoisse, simplement, pour lui demander de guérir Henriette et de le consoler.

Dès lors, il cessa d’être désespéré ; sa confiance dans la science de Jeanne la lui montrait comme une toute-puissance, et surtout, il sentait l’heure venue, exceptionnellement préparée pour atteindre enfin au cœur de cette impénétrable femme, par l’artifice de son chagrin.

Quand il revint au chevet d’Henriette, sous cet aspect des lamentables passants qu’on voit errer boueux et misérables dans la rue, aux jours de grandes ondées, elle s’était endormie. Toute pâlie par l’angoisse éprouvée, ses deux tresses défaites et pendant le long de ses bras, l’ossature si frêle du visage, haletante d’un souffle un peu trop vif de malade, il la contempla longtemps…