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2 heures, le 17… » Il ne voyait que là-bas, près du poêle noir au long tuyau en fût de colonne, la fraîche et belle Jeanne en blouse blanche, qui venait nonchalamment.

Les quatre externes s’approchaient à leur tour, et ils allaient ensemble, tous, de lit en lit ; le docteur et l’interne l’un près de l’autre, la sœur à la ruelle opposée, et les jeunes gens autour d’eux. Une paresse invincible prenait alors Tisserel de parler, d’enseigner ; il ne savait plus faire sa clinique ; le travail d’un diagnostic lui coûtait de l’effort et de l’ennui, et dans le plaisir de l’entendre, insensiblement il avait laissé Jeanne Bœrk se substituer à lui ; quand elle disait ses observations, ses prévisions, l’application à la malade d’un cas de ses livres, elle faisait véritablement le cours. Et il venait pendant ce temps à Tisserel des imaginations extravagantes ou ridicules : prendre et dénouer ses cheveux ; prendre et baiser les plis de sa blouse, chasser d’ici ces petits hommes d’étudiants qui pouvaient la regarder hardiment et cependant n’y pensaient guère, étant de cet esprit qui ne voit dans la femme cérébralement rivale, qu’une ennemie.

Cette passion naïve et touchante, du reste, ne le rendait pas meilleur. Les rigueurs étouffantes de ce mois d’août exténuèrent un grand nombre de malades, plus que ne l’aurait fait l’hiver. Il en mourait chaque jour une ou deux. En ouvrant la porte de sa salle, Paul Tisserel pouvait voir dans le creux d’un oreiller, au hasard des lits, une serviette blanche carrée, jetée sur la saillie d’un visage, et savoir qu’il y avait, dessous, une morte. On y vit mourir une vieille femme, la journalière