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— On ne peut rien vous cacher, car, en effet, c’est-la piété même.

— Eh bien ! il faut la lui montrer.

— J’attends les batailles de fleurs. Je compte sur ce ciel, sur les musiques troublantes, sur les mimosas capiteux, sur l’action de cette ville pour amollir un peu l’austérité de Bernard.

Les deux frères ne se retrouvaient vraiment seuls que dans les soirées. Ils venaient cheminer, fourmis solitaires, sur l’arc de la Croisette dénudé par la nuit. Dès neuf heures, l’air s’attiédissait. Les senteurs de la montagne descendaient, thym, résine, mimosa. Enfouies dans les fourrés des parcs, là-haut, on devinait des fêtes. Au Casino sévissaient le baccarat, les plus belles perles d’Europe, les robes fluides de la rue de la Paix. Des fêtards revenaient des îles en des canots crépitants, dont les lanternes vénitiennes semaient des chenilles de feu sur l’indigo défunt de la mer. Les vagues battaient régulièrement comme la respiration de cette ville ivre de santé.

Hubert et Bernard se disaient des choses insignifiantes.

— Tu te rappelles, Hubert, les jours de réception à Pancé quand nos parents recevaient les Chateauloup et que tu prenais la clef des champs dès le souper pour échapper à ces mortels voi-