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vait chasser le tableau pathétique d’une femme frèle et gémissante aux pieds de ce garçon sans subtilité. Par scrupule, par discrétion consciencieuse, par un respect spécial envers cette inconnue dont il n’avait déjà que trop surpris le mystère, par cette réserve de pensée et cette restriction de curiosité mentale que certains hommes pratiquent plus généralement que les femmes, Hubert s’efforça de détourner son esprit vers d’autres objets, la vieille madame Legrand-Maillard qu’il allait retrouver dans trois heures sur le quai de Cannes, ses frères qui seraient peut-être arrivés avant lui : son cher Bernard, si merveilleux ; le malheureux Ignace qu’il répudiait d’avance…

D’ailleurs par la vitre que baissa sur la nuit bleue la jeune dame aux mandarines, pénétra peu à peu une brise lente, envahissante, à quinze ou seize degrés centigrades, venue des lointaines chaudières de l’Afrique. Elle sentait ici la marjolaine, le pin, les essences brûlées au crépuscule au fond du parc des villas. Le leitmotiv du concert ferroviaire avait changé. Le. visage collé à la vitre mi-ouverte, la jeune dame et Hubert reconnurent les oliviers dramatiques, vert-de-grisés sous la lune. Pour la première fois depuis son malheur, Hubert se sentait faim de vivre son lendemain.