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ans. Je vous écris pour vous demander si vous maintenez l’obstacle, si vous comprenez ce qu’est ma vie, si je suis toujours un sans-famille, si ce joli nom de Bergerie est un leurre, pour qu’on en ferme la porte irrévocablement aux absents qui reviennent… »

Frédéric signa, cacheta, timbra, tendit la lettre au groom du café qui disparut. Il était temps. Déjà l’individu morose et ironique se réveillait en lui et lui tenait des discours dans le genre de ceux-ci :

« Cours après le groom, reprends ta lettre et déchire-la. Elle est stupide. Ta tante se soucie de toi comme d’une guigne et c’est la pire maladresse de lui avoir écrit sur ce ton larmoyant. Tout est ridicule dans ce sentiment que tu fais avec cette vieille fille grincheuse. Tu oses lui parler de ta mère dont elle profanera l’idée avec ses scrupules cruels et intransigeants, et, ce qui pis est pour un garçon qui se croit de l’esprit, tu te compares en finissant à un petit mouton à propos de la Bergerie dont on ferme la porte. Si tu voulais faire des courbettes à la vieille dame, il fallait éviter d’être risible et de bêler. On ne se bombarde pas petit agneau de cette façon-là !… »

Mais sa lettre était loin et déjà dans l’irrévocable. Penaud et mortifié vis-à-vis de lui-même, Frédéric avala un second bock et sortis du café. Il faisait nuit. Les rafales enflaient et