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doucement, lentement, sous l’action de son occulte toute-puissance. Et Frédéric, révolté, pensait à ce geste que, sous couleur de bonté, il avait eu d’écarter la pauvre Ejelmar, de la loger, selon le terme de son ami, dans une situation précaire et indigne d’elle, de l’ôter du chemin ainsi qu’une mauvaise femme. Alors il chercha d’instinct, dans la cohue du salon, ce Chapenel dont l’hypnotisme dominateur lui faisait peur pour lui-même. Mais il ne le revit plus. On entourait maintenant un petit homme maigre et chauve qui arrivait, habillé d’un veston étriqué, et donnait de timides poignées de main en levant des yeux effarés sur ses interlocuteurs. C’était le chansonnièr Gado qui venait, à cette heure tardive, telle qu’on ne l’attendait plus guère. Sa personne laide et peu soignée inspirait la pitié. Il demanda à dire sur le champ son Forgeron qui était inscrit au programme. Ce n’était qu’avec ses chansons aux lèvres qu’il recouvrait sa véritable personnalité, et il était orgueilleux de sa forte voix de basse et de son admirable diction. Son ami Ménessier harmonisait, pendant qu’il chantait, des accords d’improvisation sur sa mélodie. Sa voix peuple et le lyrisme démocratique de ses vers se mariaient heureusement. Il créait, en chantant dans ce salon d’aristocrates intellectuels, une atmosphère de sociologie, d’humanisme plé-