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côtés, lui marcha sur le pied. Apparemment, il avait commis là une mystérieuse maladresse. Il devait plus tard apprendre que Lydie Beaudry-Rogeas, fille d’âge incertain, mais ayant résolument renoncé au mariage, voilait son célibat et tout le sens déplaisant qu’on attache à cet état, sous l’appellation de madame. Ce fut néanmoins, pour l’ignorant Frédéric, un début fâcheux. La belle personne le toisa de ses yeux indifférents, tranquilles et doux, et tout le temps du dîner ne lui adressa pas la parole. Chapenel, d’ailleurs, l’accaparait. De son soprano lent et mélodieux, elle lui racontait son voyage d’Amérique. Elle parlait des sensations de la mer, sur le paquebot, et des impressions de là-bas, de la magie des maisons hautes et du commerce. Un mot revenait souvent sur ses lèvres longues et souples, c’était celui de « volupté ». Cette marmoréenne créature, impassible et cérébralisée, qui visiblement dédaignait l’homme et ne voyait en chacun que des mentalités, expliquait tout par la volupté. C’était la volupté de la lune se levant sur l’Océan, la volupté de la nuit où s’enfonçait le transatlantique, avec le seul bruit de l’eau déchirée ; la volupté des activités humaines, la volupté des contrastes, la volupté de plonger ses yeux dans la foule remuante de Là-bas.

Frédéric éprouvait un indéfinissable ma-