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Une telle politesse chez une foraine étonna fort la bonne fille, et Jen lui parut si gentille, qu’elle confia son tapioca à tous les hasards, laissa là sa cuillère, et, sans essuyer ses mains dans son tablier, les posa crânement sur les épaules de l’enfant en lui donnant deux gros baisers bien sonnants.

— Ça ! bonjour, ma petite ; allons ! nous ferons bon ménage toutes deux, pas vrai ?

— Oui, mademoiselle Rosalie.

L’affaire était gagnée ; car, pendant que Jen sortait, la cuisinière, retournant à sa casserole, lança à son maître un regard significatif qui voulait dire (le vieux monsieur le comprit) :

— Est-elle assez gentille !

Le dîner se passa on ne peut mieux. L’enfant, toujours très timide, commençait cependant à parler un peu, et renseigna son père adoptif sur la vie qu’elle avait menée jusqu’alors.

Cette pauvre petite vie de dix ans avait été bien agitée. Au début, dans le temps heureux de son existence, son père était acteur en Angleterre, puis le théâtre avait fait faillite, les artistes avaient été congédiés sans appointements, ç’avait été la ruine pour Bertrand Smoker ; avec la misère était venue la maladie, et le pauvre homme était mort quelque temps après. Sa jeune femme, ayant inutilement