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sage, au linteau d’une porte de classe ; à la Faculté des sciences, sur le mur du nouveau laboratoire d’études tinctoriales ; à la Condition des soies, au-dessus du monte-charge automatique pour le pesage des balles, à l’arrivée ; au bureau de bienfaisance, à la mairie, aux Sociétés sportives et sur toutes les lèvres.

Il était, à Lyon, l’homme dont on parlait le plus. On se vantait d’avoir croisé sa voiture, reconnu sa femme, aperçu sa cuisinière déposant le « seau d’équevilles » le matin, à sa porte, rue des Capucins. On traitait légèrement sa grosse fortune parce que, sorti de rien, il l’avait enfantée par ses propres moyens. Mais il forçait la ville de vivre à son égard sous le régime d’une curiosité dévorante. On tirait gloire de connaître l’une de ses manies inédites. Il n’ouvrait pas une lettre le dimanche. Il donnait à reteindre ses vêtements usagés. Il ne se nourrissait le soir que de coulis de légumes. À Saint-Polycarpe, un dimanche, il avait fait lui-même dans le plat de la quête la monnaie d’un billet de dix francs. L’anecdote qui sera encore le plaisir de la prochaine génération, c’est qu’il donna un jour mille francs à une bonne vieille petite sœur des pauvres qui lui plut par son air décidé. C’était un escroc parisien, déguisé en nonne, qui fut arrêté à Marseille le lendemain. Ceux qui raffinent encore sur le conte ajoutent qu’il disait, énigmatique : « Je le savais. »