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l’odeur de mégisserie du cheval qu’on portait jusque dans la chambrée mêlée à tous les parfums humains et aux relents d’armes graissées, et les sonneries wagnériennes des cuivres, qui ne martèleraient plus désormais son tympan.

Philippe allait rentrer dans la vie de l’esprit comme dans un beau cloître gothique et inspiré. « Et allez donc, les kilomètres ! » pensait-il, quand, sur les marges de la route, fuyaient les bornes affolées.

Vers onze heures du matin, une crise de laryngite du klaxon l’avertit qu’on traversait des voies peuplées. La voiture filait entre les bistrots et les charcuteries d’un faubourg. Et les camions industriels qui obstruaient la rue la regardaient de travers, silencieuse, vernie, haute sur roues et rapide, comme les chevaux de trait d’autrefois, les gros percherons crottés, regardaient leurs camarades de la calèche qui passait. La chaussée, dévastée, n’était que plaies et bosses : il fallait encore ménager les tramways suburbains, chargés jusqu’au marchepied d’employés en chapeaux mous ; un flot de jeunes femmes en robes printanières à cinquante francs fleurissaient les trottoirs : c’étaient des ourdisseuses, des rattacheuses, des tisseuses, que la grande usine prochaine vomissait ainsi deux fois par jour. Les hommes mangeaient déjà au fond des « porte-pots », devant des litres.