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abandon. Il prononça cette phrase, qui montrait à quel point l’esprit de lutte l’avait dominé :

— On ne va pas à la guerre sans recevoir de blessures.

— Vous voyez bien qu’il souffre ! s’écria Madeleine.

Saltzen prit congé. La souffrance de ce garçon trop heureux, qui connaissait à la fois la possession de tous les bonheurs, lui semblait par trop ironique. « Et moi ? pensait-il ; elle n’y a pas songé, la cruelle petite fille, quand elle caressait, à mes yeux, le front de son mari, pour un peu de migraine d’ambition qui le tourmente ! »

— Je ne dînerai pas ce soir, dit Samuel lorsqu’ils furent seuls, j’ai besoin de toute ma nuit et de mon esprit libre.

La jeune femme lui voyait des yeux pleins de reproches : comme elle le redoutait tant, la visite du docteur lui avait déplu ; mais il n’en dit pas un mot, et ce silence tourmenta Madeleine. En prenant son repas, toute seule, très tristement devant Hannah qui la servait, elle se rappela les mots qu’elle avait dits à Saltzen ; elle les pesait tous, les retournait dans son esprit, recherchait quelles déductions alambiquées le vieil amoureux aurait