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Dire qu’il va nous falloir opter entre cette belle dame de légende et votre rude République ! Tenez, je la revois le jour du Sacre. Le grand manteau brodé d’or, aux dessous d’hermine, s’épandait autour de sa personne gracile, la lourde couronne dynastique écrasait son front délicat. Elle avait dix-huit ans, et ainsi à genoux dans le chœur de la cathédrale, toute blanche sur le fond gris des pierres, inondée de la clarté des cierges, avec des chasubles d’or processionnant autour d’elle, c’était le moyen âge vivant, c’était toute l’Histoire. Et c’est à une telle créature qu’il va falloir, quelque jour, signifier l’exil, montrer la frontière, en la chassant de ce pays où elle est enracinée comme un arbre à sa terre… Oui, il faudra faire l’odieux geste, et je le ferai, et je voterai avec vous, parce que les temps sont accomplis, et qu’il n’est tout de même plus séant de demeurer, les huit millions de Poméraniens que nous sommes, sous la férule d’une femme, et que nous souffrons de mille maux qu’elle entretient sous son charme. Que voulez-vous, nous sommes mûrs pour la République, et les systèmes d’État nouveaux sortent, non point du vouloir de quelques-uns, mais des successives maturités nationales comme la graine sort d’un fruit, naturellement…