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Par ta petite main se posant sur ma tête…
Voici l’heure… Et depuis cent ans que je m’apprête
À te voir m’appeler pour me conduire ailleurs,
— Vers un destin plus sombre ou des destins meilleurs,
Je n’avais pas pensé que ce fût si facile,
Mourir ! Comme il fait noir ! Tout dort, tout est tranquille.
Et tout me paraît vain, tout semble indifférent !…
Hier, j’étais ivre encor. Cette nuit, en mourant,
Mon esprit redevient plus calme et plus paisible.
Et mon âme plus simple… mon guide invisible,
Endors-moi pour jamais d’un sommeil très profond !…
Oui. La lampe s’éteint. L’univers se confond
Dans la brume qui va s’épaississant encore…
Ah ! Puisses-tu venir me prendre avant l’aurore,
Par cette obscurité douce à mes yeux lassés !
C’est Toi. Je sens déjà tous mes désirs passés.
Mes deuils, mes souvenirs et mes remords sans nombre
Se ternir, s’effacer, disparaître dans l’ombre
Qui monte autour de nous à l’instant de la mort.

S’enfonçant de plus en plus dans ses pensées.

Mais Toi ! Qui donc es-tu, grave envoyé du Sort ?