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VOIX LOINTAINES.


Iô ! chantons l’immense et fauve obscurité !…


LE CHŒUR DES BACCHANTES.
Passant et repassant entre les arbres, dans une ronde de plus en plus frénétique.


 Toi qui recherches l’ombre et les fraîches retraites
Pour mieux préserver ta beauté,
Ô séducteur d’Aphrodité,
Dieu des rêves obscurs et des amours secrètes.

Évohé ! Cueillons les fruits d’or !
Iô ! Bacchantes !
Tressons le lierre et les acanthes !
Le soleil sur la mer ne brille point encor !


Le jardin s’emplit d’indécises lueurs et de phosphorescences étranges. Les fruits enchantés resplendissent plus ardents sur les arbres plus sombres. On entend le gémissement des branches, le grondement sourd du fleuve qui se confondent avec le bruit des thyrses et des cymbales entrechoqués pour amplifier la formidable rumeur orgiaque. Tout le verger semble ivre d’une vie exaspérée, convulsive, qui prête aux formes