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SCÈNE IV


Le verger des Bacchantes. — Il fait nuit, une nuit profonde, étouffante, dans laquelle resplendissent les fruits magiques des arbres enchantés et les étranges fleurs parsemant l’herbe noire. À gauche, une rivière coule à travers les bois.

On entrevoit vaguement, dans l’obscurité, les masses plus sombres des arbres qui se lèsent çà et là, sous un ciel sans étoiles. — Derrière eux, à l’horizon, une ligne phosphorescente brille indistinctement par instants. C’est la Mer de Crète qui, tout à l’heure, à l’aube, sera d’or sous les premiers rayons du soleil.

Dans le verger tout est silence. — Du fond des bois arrivent cependant des murmures étouffés, un bruit de pas, de frôlements, et l’on devine à travers les troncs les formes blanches des Nymphes et des Génies aux ailes de papillon, qui s’approchent, glissent et s’enfuient.

Plus près du fleuve, les trois sœurs Earina, Eucharis et Rhodéia sont debout, immobiles, et s’inclinent vers Icare endormi.