Page:Yourcenar - Le Jardin des chimères.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ICARE, tournant légèrement la tête vers Dédale avec une sorte d’hésitation.


Père, te souviens-tu ?


DÉDALE.


Père, te souviens-tu ?Que voudrais-tu savoir ?


ICARE, s’enhardissant peu à peu.


Lorsque j’étais enfant, et triste de nous voir
Enfermés pour toujours au fond du Labyrinthe,
Je me tournais vers toi, — j’étais rempli de crainte.
J’avais peur de me perdre au détour du chemin,
Et ne voulais marcher que guidé par ta main.
Et tu me rassurais… Nous nous sentions très proches..
Nous allions dans les bois, nous gravissions les roches,
Les récifs écumants aux farouches hauteurs ;
Tu regardais passer les oiseaux migrateurs.
Tu disais qu’on pourrait, sans tenter l’impossible,
Sans chercher à dompter la Bête inaccessible,