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SCÈNE II


Une autre partie de la forêt. Il y fait toujours obscur, car les branches des oliviers et des sycomores s’entrelacent inextricablement à peu de hauteur du sol. La végétation souple du lierre, la végétation sculpturale de l’acanthe, s’enroulent aux vieux troncs convulsés. On entend sourdre l’eau d’une fontaine qui se divise en mille ruisseaux et s’éparpille sur les pentes du terrain. Quoiqu’on ne puisse voir le ciel, on devine que la journée est à son milieu, car les feuilles supérieures des oliviers sont argentées par le soleil.


ICARE.
Il est seul, agenouillé devant la source qu’il regarde en écartant des mains les hautes herbes. Toute sa personne exprime une grande lassitude. Il parle à mi-voix, avec une volubilité étrange et harmonieuse, interrompue par de longs intervalles de silence, comme dans un léger délire.


Toujours !… J’ai soif, ma lèvre se dessèche,
Et je ne connais que cette eau !…