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infiniment consolateur. Les Sirènes et les Océanides sont disparues. Le rougeoiement du soir va s’éteindre. Les lueurs du soleil, en se mêlant à l’ombre, forment dans le ciel une zone indécise où la nuit s’unit à la lumière. Le silence a la solennité d’un hymne.


Dors ! Ton âme retourne à l’âme universelle
Dont le fleuve mouvant traverse l’infini !
Tu n’as point vu pâlir le ciel déjà terni,
Et dans l’enivrement d’un matin qui flamboie
Ta mort fut une immense et fulgurante joie !


Dors ! Héros confiant dans la splendeur du ciel !
Moi qui suis l’Absolu, moi qui suis l’Éternel,
Moi qui pénètre tout et sais tout, je t’envie,
Puisque l’homme qui peut sacrifier sa vie
Est plus grand que le dieu qu’il aime et qu’il attend.
Je ne puis que régner… Dans l’air moins éclatant
Les lueurs du couchant se sont diminuées.
Mais avant que j’enfonce au milieu des nuées.
Reçois, dans la ferveur du soir encor vermeil,
Le baiser triomphal, et triste du Soleil…