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La souffrance affolante et furieuse enivre,
Tout se mêle et s’unit dans une ardeur de vivre
Où le cri de terreur se change en un cri d’amour.

Gloire à l’effort humain vers la beauté du Jour !
Gloire à celui qui croit ! Gloire à celui qui songe !
Gloire à celui qui veut s’évader du mensonge !
Gloire à celui qui tente, en un suprême élan,
De monter jusqu’au ciel lumineux et brûlant
Vers le rayonnement des clartés immortelles !
Qu’importe que la flamme ait consumé ses ailes,
Qu’il s’abatte, brisé, vaincu, dans l’Océan ?
C’est peut-être à l’oubli, ce n’est pas au Néant
Que revient un effort noblement inutile.
Le sacrifice obscur n’est jamais infertile.
L’astre qui se résigne à tomber dans la nuit
Voit d’autres univers qui s’embrasent par lui.
Et c’est le même feu qui toujours étincelle !


Il s’incline vers Icare. Le visage de l’éphèbe et celui du dieu semblent tout à coup étrangement pareils, empreints de la même sérénité lumineuse où la mort et la vie se confondent en un seul mystère