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Résiste au souffle froid des lèvres de la Nuit.
La Mort n’interrompt point l’œuvre qui se poursuit
Malgré les avatars et la métamorphoses.
Le songe obscur du monde, et de l’homme, et des choses
Roulés par le torrent impétueux des jours,
Ne s’arrête jamais en s’altérant toujours.
Sans s’épuiser, la force agite la Matière,
La fleur en d’autres fleurs revivra tout entière.
D’autres soleils naîtront au sein du firmament.
La Mort mystérieuse et noire est le ferment
Du monde frémissant qui ressuscite en elle.
C’est l’aiguillon sacré de la Vie éternelle
Qui, par d’autres moyens, sous des aspects divers,
Au milieu d’autres temps et d’autres univers,
Avec la même ardeur poursuit le même rêve.
Rien ne s’éteint. Rien ne se tait. Rien ne s’achève.
Le passé qui n’est plus revit dans l’avenir.
Qu’importe que la Mort efface un souvenir
Si l’être se transforme et l’effort recommence ?
Oui, la douleur est grande. Oui, le mal est immense.
Mais il se transfigure en mon éternité.
L’incendie et l’éclair répandent la clarté,