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Les nuées grandissent dans le ciel de plus en plus rouge. Le char d’Hélios va plonger dans la mer. Mais retenant ses chevaux impatients du mors, le Dieu arrête son quadrige au bord du rocher d’Icaria. Immobile, le Roi toujours jeune, l’aurige aux cheveux d’or, Celui dont les yeux clairs voient l’infini des temps et des choses, Hélios-Hypérionade se dresse sur l’horizon fulgurant. Le chœur des Océanides se meurt. Tout semble angoissé par une attente silencieuse.


HÉLIOS.


Ce n’est pas au Néant que tout doit aboutir.
Ma splendeur qui décroît ne va pas s’engloutir
Au fond des cieux muets, étouffants et funèbres.
La lumière jamais ne meurt dans les ténèbres.
Les univers fuyants, les rayons voyageurs,
Les blancheurs du matin succédant aux rougeurs
Du soir enseveli dans les voiles de l’ombre,
Le tourbillon des temps sur les astres sans nombre
Recommencent toujours sans jamais se lasser.
À l’heure où sa clarté va bientôt s’effacer,
Le Jour agonisant reste sur de renaître.
La flamme dévorante et joyeuse de l’Être