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Tu ne chercheras plus, ô vainqueur d’un instant,
À t’élancer encor dans l’azur éclatant
Vers un amour insaisissable !
Tu ne reverras plus, dans les cieux découverts,
Le Soleil éclairer les changeants univers
D’une flamme aussi périssable !

Dors ! Tu ne craindras plus l’ironique Destin !
Dors ! Tu n’entendras plus monter le chant lointain
Des Bacchantes aux voix sonores !
Et la fauve Nature au beau corps effrayant
Ne te poursuivra plus de son regard fuyant
Plein de ténèbres et d’aurores !

Les dieux sont impuissants à troubler ton sommeil
Tu deviens leur égal, tu deviens leur pareil
Devant la Nuit qui te délivre.
Celui que ton amour inutile implorait,
Même s’il descendait jusqu’à toi, ne pourrait
Te faire de nouveau revivre.