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Et les rêveurs, surpris par les brumes du soir,
S’arrêtent, détournant le front pour ne pas voir
Leur Espérance qui recule…

C’est l’heure où le Vivant sent approcher la Mort,
Où l’hôte familier et sombre, le Remord,
Franchit le seuil de chaque porte…
L’écrasante fatigue accable les douleurs.
On s’apaise… On se tait… Les corolles des fleurs
Tremblent au vent qui les emporte.

Un jour encor se perd dans l’abîme des jours.
Un jour encor, les dieux furent cruels et sourds
Aux supplications immenses.
Les amours ont déçu, la colère a menti,
Et l’inutile effort de l’homme s’engloutit
Dans les ténèbres qui commencent.

Les vagues qui riaient, blanches, à l’infini,
Offrent leur miroir trouble au ciel déjà terni
Où d’obscures lueurs se traînent.