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De la Victoire et de l’Amour !
Peut-être au souffle de tes ailes
La Mort, laissant tomber sa faux,
Dans les ténèbres éternelles
Fuira les Vivants triomphaux !

Viens ! Le chant de l’Hellage et le chant de la Terre
Glorifieront alors ton courage divin !
Viens ! Cesse de planer dans l’azur solitaire,
Donne-nous le Secret sans qui l’espoir est vain,
Et délivre nos cœurs de l’effroi du Mystère !


L’air devient de plus en plus brûlant. La terre s’enfonce dans le vide lumineux ; Icare ne distingue plus qu’à peine la forme de ses montagnes et le contour de ses mers. C’est maintenant la solitude des espaces sans fin, plus haut que les oiseaux, plus haut que les nuages. Dans l’éblouissement presque douloureux de la clarté, des étincelles s’allument, des rayons passent, se croisent, se perdent, vibrations éphémères de la vie éternelle. Chaque battement des ailes de la Chimère rapproche Icare du Soleil dont l’orbe resplendit au sommet de l’horizon.