apparence singulière : il y a deux rues, l’une au-dessus de l’autre ; on dit ces demeures saines, chaudes en hiver, fraîches en été ; d’autres pensent, au contraire, que la santé des habitants en souffre. Le duc eut la bonté d’ordonner au régisseur de me renseigner sur l’agriculture du pays, et de voir tout le monde qu’il faudrait pour éclaircir tous les doutes. Chez un noble de mon pays on eût, à cause de moi, invité à dîner trois ou quatre fermiers, qui se seraient assis à table à côté de dames du premier rang. Je n’exagère pas en disant que cela m’est arrivé cent fois dans les premières maisons du Royaume-Uni. C’est cependant une chose que, dans l’état actuel des mœurs en France, on ne verrait pas de Calais à Bayonne, excepté par hasard chez quelque grand seigneur ayant beaucoup voyagé en Angleterre,[1], et encore à condition qu’on le demandât. La noblesse française n’a pas plus l’idée de se livrer à l’agriculture, ou d’en faire un objet de conversation, excepté en théorie, comme on parlerait d’un métier ou d’un engin de marine, que de toute autre chose contraire à ses habitudes, à ses occupations journalières. Je ne la blâme pas tant de cette négligence que ce troupeau d’écrivains absurdes et visionnaires qui, de leurs greniers dans la ville, ont, avec une impudence incroyable, assez inondé la France de satires et de théories, pour dégoûter et ruiner toute la noblesse du royaume.
Le 12. — Quitté avec regrets une société où j’avais tant de raisons de me plaire. — 35 milles.
Le 13 — Même pays jusqu’à Rouen. La première apparition de cette ville est soudaine et frappante ; mais
- ↑ J’ai vu cela une fois chez le duc de Liancourt. (Note de l’auteur.)