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nombre de mules et de chevaux trottent en cercle ; une femme tient les rênes, une autre ou bien une ou deux petites filles activent la marche avec des fouets ; les hommes alimentent l’aire et la nettoient ; d’autres vannent en jetant le grain en l’air pour que les déchets soient emportés. Personne ne reste inoccupé et chacun s’emploie de si bon cœur qu’on dirait les gens aussi joyeux de leurs travaux, que le maître de ses tas de blé. Le tableau est singulièrement animé et joyeux. Je m’arrêtais souvent et je descendais de cheval pour examiner ces travaux ; toujours on me traita courtoisement, et mes vœux pour que les prix fussent bons pour le fermier sans l’être trop pour le pauvre, furent toujours bien reçus. Cette méthode avec laquelle on se passe de granges, dépend absolument du climat : depuis mon départ de Bagnères-de-Luchon jusqu’ici, en Catalogne, en Roussillon, en Languedoc, je n’ai pas vu de pluie, mais un ciel toujours clair et un soleil brûlant ; la chaleur n’était nullement étouffante et, pour moi, nullement désagréable. Je demandai si l’on n’était pas quelquefois surpris par la pluie ; c’est bien rare, me dit-on, et alors, après une violente averse, vient un soleil ardent qui a bientôt fait de tout sécher.

Le canal de Languedoc est la chose la plus remarquable de cette province. La montagne qu’il traverse de part en part est isolée au milieu d’une grande vallée et à un demi-mille seulement de la route. C’est une œuvre grandiose et merveilleuse, d’environ trois toises de largeur et creusée sans le secours de puits d’aérage. Quitté le chemin et traversé le canal que je suis jusqu’à Béziers ; neuf écluses font descendre l’eau de la montagne pour l’amener à la ville. Superbe ouvrage ! Le port est assez large pour porter quatre grandes barques de front, la plus grande jaugeant de 90 à 100 tonnes.