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Elle releva la tête et fixa sur lui ses grands yeux bleus étonnés. Il continua :

— Jusqu’ici je ne vous ai causé que des chagrins. L’intérêt même que vous vouliez bien prendre à mon sort a été une source de souffrances pour vous. Est-il juste qu’une jeune fille si digne d’être heureuse lie son sort à celui d’un homme capable d’attirer le malheur sur lui et les siens ? Réfléchissez-y bien ; vous êtes encore libre, puisque personne ne connaît notre engagement. D’ailleurs c’est moi qui serais seul blâmé ! Ainsi, je vous le répète, Amy, réfléchissez avant que de risquer votre bonheur.

— Pour ce qui est de mon bonheur, répondit Amy, il dépend du vôtre. Je m’intéresserai toujours trop vivement à vous, pour être heureuse si vous ne l’êtes pas… pour être heureuse sans vous ! À ces mots elle baissa les yeux, qu’elle avait levés sur lui en commençant sa phrase.

— Mon Amy ! Ma Verena !… Et il saisit sa main en s’asseyant auprès d’elle. Au plus fort de mon malheur je sentais que vous m’aimiez, et cependant je puis à peine le croire à présent.

— Walter, répondit Amy en le regardant d’un air résolu, ne me prenez pas pour plus que je ne vaux. Il faut aussi que je vous avertisse. J’aurais dû le faire la dernière fois ; je ne l’ai pu : j’étais si heureuse, si confuse ! Mais il y a longtemps de cela, et j’ai pu réfléchir beaucoup pendant ce triste hiver. Je sais, et vous savez aussi, que je suis fort peu raisonnable et très enfant. Charles et vous, vous avez fait tout votre