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fit préparer la chambre de Charles, établir commodément son enfant ; puis elle se soulagea par un moment de calme et de solitude, tâchant de se persuader qu’elle se trouvait bien à Redclyffe et murmurant à sa fille que c’était la maison de son père. Elle savait que cette chambre était celle qu’il lui avait destinée ; elle essaya de distinguer, malgré l’obscurité de la nuit, la vue dont il lui avait parlé, et jeta les yeux sur la gravure de Saint-Jean, de Müller. Ce jour fut peut-être le plus douloureux pour elle ; elle sentait que, si elle n’avait pas eu son enfant dans ses bras, le désespoir se serait emparé d’elle. D’ailleurs n’accomplissait-elle pas un vœu de Walter en venant soigner Philippe ? Ce n’était pas le moment de faiblir, et le petit messager de Walter le lui disait avec ses yeux endormis. Il était temps de descendre ; il fallait remettre toutes ces pensées à un autre moment. Elle revint donc au salon, où sa présence fit plus de bien qu’elle ne pensait, grâce à tous les soins qu’elle prenait de Philippe, tout en veillant à ce que Charles ne fût pas négligé.

Quelle scène étrange et nouvelle pour le vieux château ! Amable faisait le thé et le servait à ses compagnons ; elle et Charles s’efforçaient de manger un peu pour se complaire l’un à l’autre, et Philippe demandait tasse sur tasse, surpris que le thé préparé par les mains d’Amable eût un goût si différent de celui qu’un autre lui aurait servi.

Comme il n’était pas en état de soutenir la conversation, et que Charles et Amable étaient assez fati-