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tâche à remplir : élever cet enfant avant d’être réunie à son époux. Cette pensée la soutenait, en entrant dans l’époque de calme, qui devait suivre l’année si agitée qu’elle venait de traverser, année mémorable, où elle avait éprouvé les plus grandes joies et les plus profondes douleurs. Il en était tout autrement de Laura. Pour elle, les craintes et le doute étaient passés, et le printemps de la vie commençait à poindre.

Philippe et Laura pouvaient s’aimer sans crainte ; tout était pardonné, et leur conscience était à l’aise. Cependant, comme disait Charles, ils n’avaient pas l’air aussi amoureux qu’ils auraient dû l’être après leur longue séparation.

C’est que, si leur amour avait été désintéressé et romanesque, il avait toujours été trop sérieux, trop profond, pour ressembler à tous les autres. Ils s’étaient aimés comme deux époux, et Laura s’était soumise à Philippe au point d’oublier tous ses autres devoirs. Aussi fut-elle extrêmement surprise lorsque, au sortir de East-Hill, il lui dit, dès qu’il put lui parler sans témoins :

— Laura, vous avez plus à me pardonner que tous les autres.

— Ne parlez pas ainsi, Philippe, je vous prie. Croyez-vous que je n’aurais pas supporté pour vous de bien plus grandes souffrances ? J’ai tout oublié.

— Je ne parle pas seulement de vos souffrances, Laura, quoique je puisse à peine en soutenir la pensée. Mais je veux dire que vous avez à me pardonner