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blait qu’elle ne sentirait Amable en sûreté que quand elle l’aurait ramenée chez elle. Cependant elle craignait la proposition du départ, plus que le départ même ; et, en dépit de l’impatience de M. Edmonstone, elle ne parla de rien à sa fille avant qu’elle eût ses vêtements de deuil. Mais lorsque, après deux jours de travail, Anne les eut presque complétés, elle prit sur elle de dire qu’il fallait partir.

Amable répondit que Philippe n’était pas encore en état de voyager, et madame Edmonstone, voyant qu’elle ne pouvait se décider à le laisser, dit à celui-ci, sans en prévenir sa fille, qu’il serait à désirer qu’Amable partît le plus tôt possible, mais qu’à cause de lui, elle ne pouvait l’y décider. Il fut, on le comprend, désolé d’être un obstacle, et, la première fois qu’il fut seul avec Amable, il lui dit, avec beaucoup d’insistance, qu’il ne pouvait souffrir de la voir demeurer à cause de lui ; qu’il était presque rétabli ; qu’il voulait quitter bientôt Recoara, pensant qu’un voyage sur mer lui ferait du bien, et qu’il serait bien aise de retrouver les soins du chirurgien de son régiment à Corfou.

Amable soupira, et comprit qu’il fallait céder. Il lui en coûtait beaucoup de quitter cette tombe verte sous le châtaignier, au pied des montagnes blanches ; de quitter ces chambres et ces passages où elle croyait toujours entendre la voix de Walter, cette fenêtre sur laquelle elle avait vu, le soir, se dessiner le profil de son mari, pendant qu’il lui parlait de son bonheur. Mais ces regrets étaient bien inutiles, puisqu’il fau-