Page:Yonge - L'héritier de Redclyffe, Vol 2, 1855.djvu/188

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 182 —

larmes pour une bagatelle, n’en avait pas une à répandre dans cette circonstance. Sa douleur était trop profonde, ou peut-être elle ne l’avait pas encore sentie, parce que son esprit était avec celui de son mari. Il était temps de partir, et l’on se réunit dans le long corridor. M. Edmonstone aurait voulu donner le bras à sa fille, mais elle lui dit :

— Je vous demande pardon, mon cher papa ; je ne le pourrais pas.

Elle marcha seule, avec fermeté.

C’était un spectacle étrange que ces funérailles anglaises, si loin de l’Angleterre. Les porteurs étaient des paysans italiens. On avait mis un drap sur le cercueil à défaut de poêle, et cette circonstance, jointe au costume blanc de la jeune veuve, faisait qu’on eût dit les funérailles d’un enfant. Cette impression était augmentée par les blanches vapeurs qui s’élevaient, comme des fantômes, des gorges étroites autour du cimetière, et par les cimes argentées des montagnes qu’éclairait le soleil du matin.

Pareille à l’un de ces nuages, Amable marchait seule et sans larmes, la tête baissée, et son long voile pendant autour d’elle. Ses parents la suivaient, pleurant plus sur elle que sur le défunt, quoique celui-ci leur eût été bien cher, et que sa propre mère n’eût pu l’aimer plus que ne faisait madame Edmonstone. Enfin venaient Anne et Arnaud, sincèrement affligés aussi, surtout Arnaud, qui avait aimé son jeune maître depuis son enfance.

Ils se rendirent dans le coin du cimetière destiné