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à s’occuper machinalement des préparatifs du déjeuner. Quand elle eut tout entendu, elle sortit et courut dans sa chambre. Si Amable avait été là dans ce moment, elle lui aurait tout dit ; mais elle n’avait personne à qui elle pût se confier, et il fallait qu’elle supportât sa douleur en silence. L’être qu’elle aimait le mieux, et qui faisait toute sa joie, souffrait et se mourait ! Il fallait qu’elle entendît parler de lui, affectueusement peut-être, mais froidement. On le blâmait de son imprudence ; on disait que c’était sa faute. Son imagination se créait des tableaux effrayants : le manque de secours, l’inexpérience de Walter, tout la tourmentait. L’idole à laquelle elle avait tout sacrifié allait lui échapper, et personne ne la plaignait, tandis que le sentiment de sa faute l’empêchait de chercher des consolations à la seule source véritable. Tout était vide autour d’elle ; si elle priait, c’était sans foi, sans espoir, tant qu’elle avait ce mystère sur la conscience ; et ses tourments étaient d’autant plus grands qu’elle cherchait à les cacher. Cependant toute la famille remarqua sa douleur ; mais on savait qu’elle avait toujours eu beaucoup d’affection pour Philippe. Ni sa mère, ni son frère, ne blâmaient son affliction, tout en la trouvant excessive. Madame Edmonstone cherchait à la consoler et à la distraire ; mais Laura était trop absorbée par ses propres impressions pour être reconnaissante envers sa mère ; et, comme chaque jour apportait des nouvelles plus inquiétantes, elle ne fit plus aucun effort pour dissimuler. On la trouvait toujours solitaire dans le jardin ; et un jour, après une