gueule rouge et noire. Charles trouvait un plaisir véritable à exciter le joyeux rire de Walter. Il n’y réussissait pas cependant lorsque, dans ses plaisanteries, il faisait allusion à quelqu’un des romans modernes, dont Walter ne connaissait aucun. Un matin Charles voulut décidément l’examiner à ce sujet, et lui demanda s’il avait beaucoup lu ?
— Pas beaucoup d’auteurs modernes, répondit-il.
— Mais vous connaissez les anciens, dit Laura.
— Je n’avais rien d’autre à lire.
— Rien d’autre que de vieux livres ! s’écria Amable avec un mélange d’étonnement et de pitié.
— Sanchoniathon, Manethon, Bérose et Ocellus Lucanus ! répondit Walter en souriant.
— C’est comme Philippe, dit Laura ; il a vécu avec les auteurs classiques, au lieu de perdre son temps avec les futilités modernes.
— Il a eu tout le loisir, dit Charles, de concentrer son attention sur l’étude du chevalier Grandisson.
— Comment serait-il possible, dit Walter, d’avoir quelque sympathie pour un homme si satisfait de lui-même ?
— Comment, en effet ? reprit Charles ; n’est-il pas vrai, Laura ?
— Je n’ai jamais lu le chevalier Grandisson, répondit Laura, qui soupçonnait quelque malice.
Charles poursuivit :
— Quel est, pour vous, l’idéal d’un héros ?
— Le voici, dit à demi-voix Amy, en rougissant de sa malice, comme Philippe Morville entrait dans le salon.