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ter put se livrer de nouveau à ses réflexions sur la responsabilité d’un propriétaire de vastes domaines, dont tous les petits fermiers et tous les pauvres habitants souffrent, s’il dissipe son argent en frivoles plaisirs. Son grand-père s’était repenti sans doute, mais toutes ces pauvres âmes, élevées dans le vice et dans la misère, qui leur avait prêché la repentance ? Leurs maux ne devaient-ils pas affecter Walter Morville plus que les siens propres ?

Cependant le voyageur considérait avec curiosité le jeune héritier de tant de biens, devinant peu quelles étaient les réflexions qui l’agitaient.

Enfin la voiture entra dans le petit bourg de Moorworth, dont l’aspect si familier à Walter le tira de sa rêverie. Les vieilles maisons grises, qui bordaient les deux côtés de la rue, semblaient le regarder amicalement avec leurs larges fenêtres. Là-bas, derrière ces tilleuls taillés en arcades, s’élevait l’école commerciale, où il avait appris le latin avec M. Potts, et, quoiqu’il appréciât maintenant à sa juste valeur la science de son vieux maître, Walter lui savait toujours gré de sa patience à toute épreuve, et de son extrême bonté. Plus loin, la voiture s’arrêta dans la place du marché, devant l’auberge, le vieux et respectable « hôtel George, » dont les écuries et les dépendances formaient tout un des côtés de la place carrée. C’était dans cette auberge qué Walter était né, et l’hôtesse étant la première personne qui eût tenu l’enfant dans ses bras, elle avait conservé le privilège de lui porter une vive affection ; elle l’avait toujours reçu de son