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seule apercevait, lui faisaient comprendre ce qu’elle était pour lui, ou ce qu’il désirait d’elle. Elle lui était si complètement dévouée, qu’elle s’effrayait quelquefois, en reconnaissant que son affection pour le reste de sa famille était bien peu de chose auprès de son amour, et cependant elle ne sentait pas quelle faute elle commettait en le cachant ainsi. Il lui semblait avoir assez expié son erreur par tout ce qu’elle avait souffert ; en un mot, elle s’endurcissait de plus en plus contre les reproches de sa conscience.

Ce qu’elle craignait par-dessus tout, c’étaient les tête-à-tête et les conversations sur des romans, qu’elle ne pouvait presque jamais éviter avec Eveline. Celle-ci était toujours sa compagne, quand on se promenait en long et en large le soir sur la terrasse, pendant que Walter et Amy montraient une tendance particulière à marcher de front, ce qui n’échappait pas à la jeune Irlandaise.

— Quelle belle soirée ! dit Amy à demi-voix.

— Il ne manque à sa solennité que le sourd et doux murmure de l’océan, répondit Walter. Voilà la musique par excellence ! Que doit être Celui dont l’oreille saisit toute cette harmonie ?

— Que je voudrais entendre l’océan !

— Et le voir, Amy ! Oh ! si je pouvais vous donner une idée de la mer éclairée par les rayons du soleil ! Cette ligne immense à l’horizon, ces champs de lumière qui vous en séparent ! Si vous pouviez connaître le sentiment de liberté que l’on éprouve lorsque, debout sur un roc escarpé, vous sentez le vent de la