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de la seconde partie, à laquelle elle devait servir de préface[1]. Outre que M. de Sanctis n’a apporté aucun argument nouveau à l’hypothèse d’une interruption dans la rédaction de la deuxième partie des Helléniques, sa théorie a contre elle les indications tirées de la langue et du style. On pourrait à la rigueur admettre — quoique la chose fût déjà assez singulière — que Xénophon, après avoir rédigé de façon assez libre, on l’a vu, les livres III, IV, et le début du livre V, se soit astreint, par cette sorte de préface qui aurait compris les deux premiers livres, à respecter un cadre annalistique plus sévère ; mais il est plus malaisé de croire qu’il ait changé du même coup sa manière d’écrire ; pour prendre un exemple, Xénophon, dans les Helléniques, à partir de II, 3, 9 — c’est-à-dire de l’endroit où, selon moi, commence la deuxième partie, fait un grand usage de l’optatif futur, forme assez rare dans le parler attique et à peu près absente de la première partie[2] : on admettra difficilement qu’après avoir pris l’habitude de s’en servir, il se soit évertué à l’éviter. Notre auteur n’est pas un pasticheur, et, maître, depuis l’Anabase, d’un style qui lui était propre, on n’imagine pas qu’il y ait renoncé provisoirement pour écrire un « à la manière de Thucydide ».

Ainsi tout porte à croire que la première partie des

  1. Op. laud., p. 25 et suiv. M. de Sanctis ne peut admettre que Xénophon ait eu connaissance de l’œuvre de Thucydide — et par conséquent ait pu songer à la terminer — avant la paix d’Antalcidas, qui rétablissait les relations normales entre Athènes et le Péloponnèse. Croira-t-on sérieusement que les courtes campagnes de la guerre de Corinthe aient empêché un Athénien exilé à Skillous d’être au courant de ce qui se passait dans sa patrie ? il n’y avait à cette époque ni hostilités continues ni fronts infranchissables — sans parler du transport des manuscrits par mer (cf. Anab., VII, 5, 14, avec la note de Masqueray). Et qui nous empêche d’ailleurs d’admettre que l’œuvre de Thuvydide soit parvenue à Xénophon lorsqu’il était encore avec Agésilas en Asie Mineure ?
  2. Rev. Phil., 1930, p. 220 : sur l’emploi de l’optatif futur chez Xénophon, cf. Cavallin, De Xenoph. temporum et modorum usu…, Lunds Univers. Arsskrift, p. 40-44 du tirage à part.