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l’automne de 411 dans l’Hellespont ; par un simple μετὰ ταῦτα, Xénophon reprend la suite de son récit ; la suture n’est pas parfaite, on l’a déjà montré souvent, et il y a, sur des points de détail, quelques « trous », mais pas assez profonds pour supposer qu’il nous manque quelques chapitres de la fin du VIIIe livre de Thucydide ou du début des Helléniques[1].

Ce complément s’arrêtait, il est raisonnable de le supposer, à la date jusqu’à laquelle Thucydide avait l’intention de mener son œuvre, et sans doute à la prise de Samos, qui marque l’anéantissement définitif de l’empire athénien[2]. De fait, à partir de ce moment, l’allure du récit change : Xénophon qui, pour rester dans l’esprit de l’ouvrage qu’il entreprenait de terminer[3], a jusque-là suivi la méthode annalistique, s’est abstenu de tout écart, et s’est interdit toute réflexion personnelle, adopte désormais un procédé d’exposition beaucoup plus libre, où les indications de changement d’années sont fréquemment omises, tandis qu’il insère dans son récit des digressions, parfois fort longues, et donne son opinion personnelle sur les événements et les hommes. L’étude de la langue confirme les indications données par les caractères généraux du récit, et montre, à partir du troisième chapitre du livre II, des changements très nets, qui attestent une interruption dans la rédaction des Helléniques, et une interruption d’assez longue durée, car ces changements sont brusques et excluent l’hypothèse d’une lente évolution.

Nous n’avons aucun indice qui nous permette de dater la rédaction de la première partie des Helléniques. Pour la seconde, on peut croire que la fin du livre III a été écrite

  1. On se s’étonnera donc pas si deux de nos manuscrits (M, L) contiennent à la fois l’Histoire de Thucydide et les Helléniques.
  2. Je ne fais que résumer, dans l’exposé qui va suivre, des Notes sur la composition des Helléniques, parues Rev. Phil. LVII (1930), p. 119-127, 209-226.
  3. Certains passages (I, 1, 27-29 ; 4, 13-17) écrits dans ce style indirect pour lequel Thucydide a marqué, dans ses derniers livres, une sensible prédilection, montrent jusqu’où peut aller l’effort de Xénophon pour se hausser au ton de son prédécesseur.