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le récit, où bien des revers de Sparte sont estompés, bien des humiliations passées sous silence ; et Xénophon, en tous cas, ne nous donne pas les raisons de cette « catastrophe » qu’il semble raconter à regret. Sans doute exprime-t-il l’avis que l’expulsion de la garnison lacédémonienne de la Cadmée par les Thébains, exemple de justice divine, est la punition de l’acte impie qu’avait été l’occupation de la Cadmée[1] — revenant ainsi, un demi-siècle après Thucydide, à une conception de l’histoire voisine de celle d’Hérodote et d’Eschyle ; mais il n’a pas su voir que l’attachement de Sparte à des formes périmées d’organisation sociale[2], politique, économique et militaire[3] était la vraie cause de sa chute. Surtout il ne semble pas avoir compris, et en tous cas il n’a pas dit que, derrière la renaissance précaire d’Athènes, la décadence de Sparte, l’épisode brillant, mais sans lendemain, des victoires thébaines, les quarante années dont il fait le récit démontraient avant tout l’impossibilité d’établir la stabilité et la paix en Grèce par l’hégémonie de l’une ou l’autre des grandes cités, et la nécessité de trouver une organisation politique et des conceptions morales qui ne fussent pas fondées sur la base du particularisme[4]. Dans la conclusion des Helléniques s’exhale peut-être la mauvaise humeur d’un aristocrate affligé de voir partout les constitutions démocratiques triomphantes, peut-être aussi le chagrin d’un ami de Sparte inconsolable de l’abaissement de sa patrie d’adoption : on ne trouve, ni là, ni dans le reste de l’ouvrage, un mot qui puisse faire supposer que Xénophon, inférieur en cela à Isocrate, ait trouvé une cause, entrevu un remède à cette

  1. V, 4, 1.
  2. On pourrait néanmoins se demander si le récit de la conspiration de Cinadon, au commencement de l’histoire de ces quarante années (III, 3, 4-11), n’est pas destiné à montrer l’absurdité d’un régime où une poignée de Pairs avaient à faire front, dans leur propre cité, à un peuple de mécontents.
  3. S’il nous montre en action la supériorité des méthodes d’infanterie légère adoptées par les stratèges athéniens sur celles de l’infanterie spartiate (IV, 5, 11-18), il ne fait que deux brèves allusions (VI, 4, 12 ; VII, 5, 23) la révolution tactique d’Epaminondas qui devait assurer aux armées thébaines les victoires de Leuctres et de Mantinée.
  4. Cf. mes observations, Rev. Synthèse, VII (1934), p. 175-185.