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par son comique finement nuancé, pourrait figurer au début d’un dialogue platonicien.

À ces dons charmants Xénophon joint-il les qualités qu’on attend d’un véritable historien ? Sur son impartialité les avis les plus contradictoires ont été émis. Les uns, depuis Niebuhr[1], n’ont pas assez de sévérité pour ce mauvais Athénien qui aurait passé sous silence tous les événements favorables à.sa patrie ; les autres estiment que Xénophon, écrivant essentiellement pour un public athénien[2], se serait efforcé de mettre en lumière les mérites du gouvernement d’Athènes. La vérité est entre les deux. On ne peut nier que les sympathies de l’exilé athénien allaient à Sparte, à son régime aristocratique, à ses hommes d’État : Agésilas est son héros, et Xénophon n’a pas eu grand’chose à changer à des pages entières des Helléniques pour en faire un Éloge en forme du roi de Sparte[3] ; lors même que ce dernier n’apparaît plus au premier plan, l’accent continue à être mis sur les succès de Sparte, dont les revers sont, tant qu’il est possible, estompés, dont certaines humiliations sont passées sous silence. Néanmoins il n’a tu ni les grandes défaites, ni même les erreurs de Sparte ; il a signalé la brutalité de son hégémonie[4], et, s’il n’a pas un mot de blâme pour la paix d’Antalcidas, qui livrait au Roi les Grecs d’Asie[5], il s’est montré fort sévère pour la prise de la Cadmée[6]. D’autre part, en plein exil, il a fait, et à plusieurs reprises, l’éloge du parti démocratique d’Athènes[7], de ses hommes d’État[8], de

  1. Kleine Schriften, I (1828), p. 464 et suiv.
  2. L. Gautier, La langue de Xénophon, p. 15.
  3. Il faut d’ailleurs reconnaître qu’à cause même de ce parti pris de panégyrique Xénophon ne nous a laissé du roi de Sparte une image un peu confuse : il y a contradiction entre le souverain vertueux qu’il veut nous représenter, et le militaire assez brutal que les faits nous révèlent.
  4. III, 5, 11-13.
  5. Il se contentera de la blâmer, par allusion, dans l’Agésilas (VII, 7).
  6. V, 4, 1.
  7. II, 4, 40-42 ; 43 ; III, 5, 9.
  8. Thrasybule : IV, 8, 31 (noter que Xénophon semble avoir connu, mais n’avoir pas voulu mentionner, les accusations portées contre Thrasybule).