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de cantonner les divisions et les stratèges dans les différents villages. On ne voyait pas un ennemi, et la quantité de neige inspirait de la sécurité. On trouve là toutes sortes de vivres excellents, bestiaux, blé, vins vieux d’un excellent bouquet, raisins secs, légumes de toute espèce. Cependant quelques hommes, s’étant écartés du camp, disent qu’ils ont aperçu une armée et, pendant la nuit, la lueur de plusieurs feux. Les stratèges jugent donc imprudent de cantonner dans des villages séparés, et nécessaire de rassembler l’armée. On la rassemble encore une fois, d’autant que le temps paraissait beau. Mais, cette nuit même, il tombe une neige si serrée qu’elle couvre les armes et les hommes qui étaient couchés, et engourdit les bêtes de somme. On eut grand’peine à se lever, et c’était un triste spectacle de voir la neige étendue sur tous les objets-où elle n’avait pas fondu[1]. Cependant Xénophon ayant eu le courage de se lever presque nu et de fendre du bois, un autre se lève, lui en prend et se met aussi à en fendre. Dès ce moment tout le monde se lève, allume du feu et se frotte de matières grasses qu’on trouve là en quantité, et dont on se sert en guise d’huile d’olive, telles que saindoux, huile de sésame, d’amande amère et de térébinthe : on y trouve aussi des essences tirées des mêmes végétaux.

On convient ensuite de renvoyer l’armée dans les villages pour qu’elle soit à couvert. Les soldats, avec force cris de joie, retournent aux abris et aux vivres. Seulement, tous ceux qui, en quittant les maisons, les avaient brûlées, en portaient la peine, forcés de bivouaquer méchamment sous le ciel. Durant la nuit on envoie, sous les ordres de Démocrate de Téménium, un détachement vers les montagnes où les soldats qui s’étaient écartés disaient avoir vu des feux. Cet homme passait pour avoir toujours dit la vérité, donnant pour ce qui était ce qui était, et ce qui n’était pas pour ce qui n’était pas. De retour, il dit qu’il n’a point vu de feux, mais il revient ramenant prisonnier un homme qui avait un arc perse, un carquois et une sagaris telle qu’en portaient les Amazones. On demande au prisonnier de quel pays il est ; il dit qu’il est Perse et qu’il s’est éloigné de l’armée de Tiribaze pour chercher des vivres. On s’informe auprès de lui de la force de cette armée et du motif qui l’a fait rassembler. Il dit que Tiribaze est suivi de ses propres troupes et de mercenaires chalybes et taoques.

  1. Il y a quelque obscurité dans ce passage.