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il s’éveille en sursaut, et juge d’une part le songe favorable, puisque, au milieu des peines et des dangers, il avait vu venir une grande lumière de Jupiter ; mais d’autre part il craignait, le songe lui étant venu de Jupiter roi, et le feu ayant paru briller autour de lui, de ne pouvoir sortir des États du roi et d’y être enfermé de tous côtés par des obstacles.

De quelle nature était un pareil songe, il est permis d’en juger par les événements qui le suivirent. Voici, en effet, ce qui arriva immédiatement après. Xénophon s’éveille, et telle est la première idée qui se présente à son esprit : « Pourquoi suis-je couché ? la nuit s’avance ; avec le jour il est probable que l’ennemi va nous arriver. Si nous tombons au pouvoir du roi, qui empêchera qu’après avoir vu tout ce qu’il y a de plus affreux et souffert tout ce qu’il y a de plus cruel, nous ne subissions une mort ignominieuse ? Le moyen d’échapper, personne n’y songe, personne ne s’en occupe ; mais nous restons couchés, comme si nous avions le temps de rester en repos. De quelle ville doit m’arriver un général qui agisse en conséquence ? Quel âge dois-je attendre ? Non, je ne serai jamais vieux, si je me livre aujourd’hui aux ennemis, »

Sur ce point, il se lève, et appelle d’abord les lochages de Proxène. Lorsqu’ils sont réunis : « Je ne puis, leur dit-il, lochages, ni dormir ni rester couché, et vous êtes sans doute comme moi, quand je vois dans quelle situation nous sommes. Il est évident que les ennemis ne nous auraient pas déclaré une guerre ouverte, s’ils ne croyaient avoir bien pris toutes leurs mesures ; et cependant personne de nous ne songe aux moyens de les repousser de notre mieux.

« Si nous ne faisons rien et que nous tombions au pouvoir du roi, quel sera, croyez-vous, notre sort, avec un homme qui, voyant mort son frère, né du même père et de la même mère que lui, lui a fait couper la tête et la main, et les a étalées sur une croix ? Et nous, dont personne ne prend les intérêts, nous qui avons marché contre lui, pour le faire de roi esclave et pour le mettre à mort, si nous l’avions pu, qu’en devons-nous attendre ? Ne fera-t-il pas tout pour nous traiter de la façon la plus ignominieuse et détourner à jamais tous les hommes de faire la guerre contre lui ? Oui, pour ne pas tomber en son pouvoir, il faut mettre tout en œuvre.

« Pour moi, tant qu’a duré la trêve, je n’ai cesse de nous plaindre et d’envier le roi et ses gens, en considérant l’étendue et la nature du pays qu’ils possèdent, l’abondance de leurs pro-