Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Or, il y avait à l’armée un certain Xénophon d’Athènes qui ne la suivait ni comme stratége, ni comme lochage, ni comme soldat ; mais Proxène, depuis longtemps son hôte, l’avait engagé à quitter son pays, lui promettant, s’il venait, de le faire ami de Cyrus, dont il attendait lui-même, disait-il, de plus grands avantages que dans son pays. Xénophon, ayant lu la lettre, consulte Socrate d’Athènes sur ce voyage. Socrate, craignant que Xénophon ne se rendît suspect à ses concitoyens en devenant ami de Cyrus, qui avait paru se lier étroitement avec les Lacédémoniens dans la guerre contre Athènes, lui conseille d’aller à Delphes consulter le dieu sur ce voyage. Xénophon s’y rend et demande à Apollon quel est le dieu auquel il doit offrir des sacrifices et des prières pour mener à la plus belle et à la meilleure fin le voyage qu’il médite, et pour revenir sain et sauf, après y avoir réussi. Apollon lui répond de sacrifier aux dieux qu’il fallait. À son retour, il fait part de l’oracle à Socrate. Celui-ci, en l’entendant, lui reproche de n’avoir pas commencé par demander lequel valait mieux pour lui de partir ou de rester, et, déterminé au voyage, d’avoir seulement consulté sur le meilleur moyen de l’accomplir : « Mais, puisque tu t’es borné à cette question, ajoute-t-il, il faut faire tout ce que le dieu a prescrit. » Xénophon ayant donc offert les sacrifices dont le dieu avait parlé, s’embarque et joint à Sardes Proxène et Cyrus, tout prêts à prendre la route des hauts pays. Il est présenté à Cyrus. D’après le vœu de Proxène, Cyrus lui témoigne le désir de le garder auprès de lui : il lui dit que, l’expédition finie, il le renverra aussitôt. On prétendait que l’expédition était faite contre les Pisidiens.

Xénophon s’était donc engagé dans cette campagne, trompé il est vrai, non par Proxène, car celui-ci ne savait pas que l’expédition était contre le roi, pas plus du reste qu’aucun autre Grec, sauf Cléarque. Ce n’est qu’arrivés en Cilicie que tout le monde vit clairement que l’expédition était contre le roi. Effrayés du trajet, mais cédant, malgré eux, à un sentiment de honte pour eux-mêmes et pour Cyrus, la plupart des Grecs avaient suivi, et Xénophon était l’un d’eux.

Au milieu de l’embarras général, il s’affligeait avec les autres et ne pouvait dormir. Cependant, ayant pris un peu de sommeil, il eut un songe[1]. Il crut voir, au milieu des tonnerres, la foudre tomber sur la maison paternelle, qui devint toute en feu. Effrayé,

  1. Sur ce songe cf. Lucien, le Songe, 17, t. I, p. 6 de notre traduction.