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rasser de ceux qui le gênaient. Cependant quelques soldats, d’un avis opposé au sien, disent qu’il ne faut pas conduire à Tissapherne tous les lochages et tous les chefs, qu’il faut s’en défier. Mais Cléarque insiste fortement jusqu’à ce qu’il ait obtenu d’y aller avec cinq stratéges et vingt lochages : ils sont suivis d’environ deux cents soldats, faisant mine d’aller acheter des vivres.

Arrivés aux portes de Tissapherne, on appelle à l’intérieur les généraux Proxène de Béotie, Ménon de Thessalie, Agias d’Arcadie, Cléarque de Lacédémone, et Socrate d’Achaïe : les lochages restent à la porte. Quelques instants après, au même signal, on arrête les généraux qui sont entrés, et l’on égorge ceux qui sont restés dehors. Ensuite des cavaliers barbares, galopant par la plaine, massacrent tout ce qu’ils rencontrent de Grecs, soit libres, soit esclaves. Les Grecs sont étonnés de cette course de cavaliers qu’ils aperçoivent de leur camp, et ne savent que penser, lorsqu’arrive Nicarque d’Arcadie : il s’était enfui, blessé au ventre et tenant ses entrailles dans ses mains. Il raconte tout ce qui s’est passé. Aussitôt les Grecs courent aux armes, frappés de terreur et croyant que les Barbares vont fondre sur le camp ; mais ils n’arrivent pas tous : il ne voient qu’Ariée, Artaoze et Mithridate, gens fort dévoués à Cyrus. L’interprète des Grecs dit qu’il aperçoit avec eux le frère de Tissapherne et qu’il le reconnaît. Ils avaient une escorte de Perses cuirassés, environ trois cents. Ceux-ci, arrivés près du camp, demandent qu’un stratége ou un lochage grec s’avance pour entendre les ordres du roi. Alors les stratèges grecs Cléanor d’Orchomène, et Sophénète de Stymphale, sortent du camp avec précaution, et derrière eux Xénophon d’Athènes, pour savoir des nouvelles de Proxène. Chirisophe ne se trouvait pas là : il était allé avec d’autres à un village pour chercher des vivres. Quand on est à portée de la voix, Ariée parle ainsi : « Grecs, Cléarque, convaincu d’avoir manqué à ses serments et rompu la trêve, en a subi la peine : il est mort. Proxène et Ménon, qui ont dénoncé sa perfidie, sont en grand honneur. Quant à vous, le roi vous demande vos armes : il dit qu’elles sont à lui, puisqu’elles étaient à Cyrus, son esclave. » À cela les Grecs répondent par la bouche de Cléanor d’Orchomène : « Ô le plus méchant des hommes, Ariée, et vous tous qui étiez amis de Cyrus, n’avez-vous pas honte à la face des dieux et des hommes, vous qui, après avoir juré de reconnaître les mêmes amis et les mêmes ennemis que nous,