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VII[1] — Lettre à Aglaïtadas[2].


Se montrer fier de la beauté que donne la jeunesse n’est pas seulement, à notre avis, une faute imputable à ton fils Phyllidas, mais encore à toi. Tu ne me parais point avoir une âme vraiment laconienne, ni, selon le devoir imposé aux sages, rechercher une louange sincère et méritée. Le moyen, en effet, d’estimer réellement une chair sans vigueur, et qu’on ne loue qu’en vue du plaisir ? Les hommes n’ont admiré le corps que parce qu’il est uni à l’âme. Mais ces dehors flatteurs, qui doivent avant peu se flétrir avec la jeunesse, un vrai Laconien ne doit pas en avoir souci. Tous les poètes qui ont fait l’éloge de la vertu, ont toujours été muets ou avares de paroles pour les louanges du corps, tandis que les grandes œuvres de l’âme et de la sagesse, ils les ont transmises dans leurs chants à la postérité. Songes-y donc, Aglaïtadas ; obéis à cette règle divine, qui nous prescrit d’honorer l’âme après les dieux, et de ne placer le corps qu’au troisième rang après les immortels. Or, l’honneur rendu à l’âme, c’est l’étude, c’est l’esprit discipliné en vue de la prudence : il n’est point d’autre enseignement pour rapprocher l’homme des dieux. Il suit de là que le corps des ignorants offre vainement à tes regards un harmonieux ensemble ; tu ne pourras dire qu’il est beau. On ne peut louer comme beau que le courage façonné par la prudence. Tu peux affirmer, en effet, que tout ce qui manque de raison n’est que laideur et injustice parmi les hommes. Ainsi, tu ne te vanteras d’être né Laconien, que quand tu nous montreras ton fils esclave des lois laconiennes. De soi-même, on ne naît ni Laconien ni Athénien : c’est des dieux qu’émanent les fluides qui composent les êtres vivants et tout ce que la terre produit.



FIN.
  1. Voy. Stobée, t. II, p. 407 et 408.
  2. Nul autre document sur cet Aglaïtadas. On doit se rappeler toutefois que c’est le nom donné par Xénophon à un Perse qui figure dans la Cyropédie, II, II.