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II[1] — Lettre à Criton[2]


Apprends que Socrate nous répétait souvent que ceux qui ne songent qu’à augmenter la fortune de leurs fils, et qui négligent de les rendre heureux, ressemblent aux éleveurs de chevaux, qui n’apprennent point à ces animaux les évolutions guerrières, mais leur fournissent une ample nourriture. C’est le moyen d’avoir des chevaux plus gras ; mais incapables de ce qu’il faut. La qualité d’un cheval n’est pas l’embonpoint, mais l’audace et l’habitude de la guerre. C’est encore là le défaut de ceux qui cultivent beaucoup de terres pour leurs fils, et qui les négligent eux-mêmes. Ils attacheront à leurs plantations une haute valeur, et à eux-mêmes aucune. Or, il faut que le propriétaire vaille mieux que la propriété. Par conséquent, celui qui fait de son fils un homme de grande valeur, laissât-il peu, lui donne beaucoup. C’est le cœur qui rend les choses ou plus grandes ou moindres : pour un bon cœur, tout est bien ; pour un cœur grossier et ignorant, rien ne peut suffire. Quant à toi, tu ne donnes point à tes fils au delà de leur nécessaire ; mais la bonne éducation qu’ils ont reçue leur fait paraître ce nécessaire une véritable richesse, tandis que les ignorants savent, il est vrai, garantir leur corps de la gêne, mais ils ne peuvent rien contre l’effroi de l’avenir.



III[3]. — Lettre à Sotira[4].


Il me semble, Sotira, que la mort elle-même n’a rien de honteux, rien d’honorable : c’est le terme de la vie. Seulement, il n’est pas le même pour tous, puisque le nombre des années parcourues diffère, selon le point de départ, la force ou la faiblesse. Enfin c’est le motif suprême qui rend pour les uns la mort honteuse ; pour les autres, belle et honorable.

  1. Voy. Stobée, t III, p. 424 et 425.
  2. Celui qui donne son nom au célèbre dialogue de Platon
  3. Voy. Stobée, t. III, p. 388.
  4. Je n’ai trouvé aucun document sur la femme à laquelle s’adresse cette lettre. Ne peut-on pas conjecturer que c’était l’épouse de Gryllus, fils de Xénophon ? La lettre IV confirmerait cette supposition.