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acquisition faite, pourquoi louerait-on moins les esclaves de l’État que ceux des particuliers, puisqu’on les aurait au même prix ? On loue bien à la ville des enceintes consacrées, des temples, des maisons ; on prend à ferme les impôts publics. Comme garantie de la location, l’État peut bien exiger une caution de ceux qui loueront des esclaves, comme il en exige des fermiers de ses finances. Et même la fraude est plus facile à un fermier qu’à un loueur d’esclaves. En effet, comment prendre celui qui a détourné des fonds publics, l’argent du trésor étant tout à fait semblable à celui des particuliers ? Mais des esclaves portant une marque distinctive et qu’il sera défendu, sous des peines rigoureuses, d’acheter ou de vendre, le moyen de les dérober ? Il paraît donc bien possible jusqu’ici que la ville ait des hommes et qu’elle les garde.

Mais on se demandera peut-être si, lorsqu’il y aura beaucoup d’ouvriers, il se présentera beaucoup de loueurs. Que celui qui fait cette réflexion, soit sûr que les entrepreneurs même pourvus d’ouvriers loueront aussi ceux de l’État, en raison du grand nombre d’exploitations, de la quantité d’hommes vieillis à ce service, de la foule d’Athéniens et d’étrangers qui, ne voulant ni ne pouvant travailler de corps, emploient volontiers leur intelligence à se procurer le nécessaire.

Si donc on réunit d’abord douze cents esclaves, on peut calculer qu’un accroissement successif, au bout de cinq ou six ans, n’en donnera pas moins de six mille. Or, ce nombre rapportant, tous frais faits, une obole par jour et par chaque esclave, le produit annuel sera de soixante talents[1]. De ces soixante talents, qu’on en mette vingt à acheter d’autres esclaves, il en restera quarante, dont la ville pourra disposer pour tout autre besoin. Le nombre de dix mille une fois complété, on aura un revenu de cent talents[2]. Mais pour prouver que l’État recevra bien davantage, je prendrai à témoin, s’il en existe encore, ceux qui se rappellent quel revenu produisaient les esclaves avant l’affaire de Décélie[3]. Une autre preuve, c’est que, malgré les travaux faits de tout temps dans nos mines par une foule d’ouvriers, nos mines ne diffèrent en rien de ce que nos pères nous en ont dit.

  1. Environ 270 000 francs, le talent attique étant évalué à 4500 francs.
  2. Près de 450 000 francs.
  3. Durant la guerre du Péloponèse, lorsque les Spartiates s’étaient établis à Décélie, aux portes d’Athènes, vingt mille esclaves avaient profité de la détresse des Athéniens pour passer à l’ennemi.