Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/481

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour la guerre, vu qu’elle brille promptement et qu’elle est longue à se ternir. Il a permis les longs cheveux aux hommes sortis de la puberté, pensant qu’ils ont ainsi l’air plus grands, plus libres et plus farouches. L’uniforme ainsi réglé, il a partagé les cavaliers et les hoplites en six mores[1]. Chacune de ces mores nationales a un polémarque, quatre lochages, huit pentécostèrès, et seize énomotarques. Suivant le commandement, ces mores sont disposées par énomoties d’une seule, de trois ou de six colonnes.

Presque tout le monde se figure que l’ordre de bataille de l’armée lacédémonienne est fort compliqué : c’est s’imaginer le contraire de ce qui est. Dans l’ordonnance des troupes lacédémoniennes, les chefs occupent les têtes de file, et chaque colonne est toute prête à faire ce qu’on en attend. Il est tellement facile de bien comprendre cette disposition, que quiconque sait distinguer un homme d’un autre, ne peut s’y tromper ; les uns marchent en tête, les autres suivent ; voilà l’ordre. Les évolutions de front sont commandées par l’énomotarque, qui sert ainsi de héraut, et, d’après l’ordre, les phalanges diminuent ou augmentent de profondeur, ce qui se conçoit aisément. Cependant, pour être prêt à combattre également en cas de trouble ou de surprise, il y a une manœuvre de ralliement qu’il n’est pas facile de comprendre à moins d’avoir été élevé sous les lois de Lycurgue.

Voici, par exemple, des manœuvres très-facilement exécutées par les Lacédémoniens, que tous les tacticiens trouvent très-difficiles. Quand on s’avance par le flanc, la queue de l’armée suit énomotie par énomotie : dans cette position, aperçoit-on devant soi la phalange ennemie, ordre est donné à l’énomotarque de faire front par le flanc gauche sur toute la colonne, jusqu’à ce que le corps tout entier soit en face de l’ennemi. Ce mouvement exécuté, si l’ennemi se présente sur les derrières, chaque file fait une conversion, afin d’opposer à l’ennemi ses plus braves soldats.

Quand le commandant se trouve à la gauche, loin d’y voir un inconvénient, on y trouve un avantage : car, si l’ennemi cherche à envelopper le corps de ce côté, il ne le trouve point dégarni, mais couvert de ses boucliers. Si cependant, pour quelque rai-

  1. On trouvera d’intéressants détails sur celle division de l’armée lacédémonienne dans l’édition de Fr. Haase, ainsi qu’un tableau destiné à faciliter l’intelligence des évolutions de ces différents corps.